Le communisme électronucléaire : un cours du soir
Le Daubé l’avait annoncé :
« Que faire pour que la Terre reste habitable ? Conférence-débat avec Sylvestre Huet,
auteur de Le Giec – urgence climat (préface de Jean Jouzel). 15 février. 18h30, salle
polyvalente de l’Île verte, 37 bis rue Blanche Monnier. »
Comme je ne suis jamais allé dans cette salle, que j’ignorais même son existence, je demande mon
chemin avec ma bouche à un être humain de type femelle, qui chemine également, mais d’un pas
décidé, comme s’il savait où il allait. « - Vous allez aussi à la conférence ?, me dit l’être humain. –
Oui, mais je ne sais pas où ça se trouve. – Moi, non plus, répond l’être humain, mais attendez, j’ai
le GPS. » Puis l’être humain tripote une sorte de plaquette avec des touches et une lucarne
lumineuse, et j’entends une voix non-humaine énoncer « … encore quinze mètres et à gauche. »
Nous rions. Je remercie. Nous arrivons. D’autres êtres humains, de type grisonnant et bedonnant,
battent en effet la semelle devant une porte ouverte. On me laisse entrer quoique je sois en avance.
Une centaine de chaises, une banderole sur le mur de droite, de la société des lecteurs et lectrices
de L’Humanité de Saint-Martin d’Hères, une affiche discrète sur un pilier annonçant que la réunion
sera filmée et diffusée sur Youtube, une longue table couverte de livres en vente dans le coin à
gauche, un écran au fond pour projeter le power point du conférencier.
Il se trouve que l’on connaît un peu Sylvestre Huet, ce communiste scientifique. Il avait attaqué
en décembre 2006, en tant que chef du service Sciences de Libération, notre « discours confus »
sur les nanotechnologies (nous, Pièces et main d’oeuvre). Critique et réponse disponibles en annexe
ci-dessous, et toujours en ligne sur www.piecesetmaindoeuvre.com.
Nous l’avons croisé en chair, en os et assez agressif, quatre ans plus tard, lors d’une conférence de
presse à Paris, le 23 février 2010, où nous nous expliquions sur notre campagne de sabotages des
pseudo-débats de la CNDP (Commission nationale du débat public), visant à l’acceptabilité des
nanotechnologies, quatre ans après la mise en service de Minatec. 13 pseudo-débats annulés ou
sabotés sur 17.
Note en passant, quand nous sabotons une réunion – nous, Pièces et main d’oeuvre –, c’est au CEA,
aux nucléocrates, aux biocrates de la biologie de synthèse, que nous nous en prenons. Et non pas
aux êtres queer, trans & Cie, dont nous critiquons par ailleurs et par écrit, l’idéologie délirante.
Notre intervention lors de cette conférence et le bilan de cette campagne d’acceptabilité des
nanotechnologies est toujours lisible sur Pièces et main d’oeuvre1.
Sylvestre Huet ne se présentait pas alors comme communiste scientifique, juste comme journaliste
à Libé, diplômé en histoire des sciences. Discrétion et duplicité. Le nombre de militants de tous
bords qui se présentent comme « historiens » ou « journalistes », alors qu’ils sont d’abord des
militants sur le « front de la presse » ou sur « le front des idées ». Des propagandistes sous
couverture scientifique ou médiatique.
Le militant Huet tient depuis 2017 la rubrique scientifique du Travailleur alpin, le journal
communiste local ; ainsi qu’une chronique hebdomadaire, depuis 2022, à L’Humanité. J’ai sous les
yeux celle du 12 février 2024, intitulée « Faut-il toujours chercher ? »
Rassurez-vous, il ne s’agit que d’attaquer Raison présente, la revue de l’Union rationaliste,
coupable de s’être demandé dans son dernier numéro, « Tout est-il souhaitable en recherche ? », et
1 https://www.piecesetmaindoeuvre.com/necrotechnologies/revelations-le-veritable-bilan-de-la-cndp-nanos-enexclusivite-
par-pieces-et
2
d’avoir repris sous la plume du biophysicien François Graner, la question d’Alexandre
Grothendieck, « faut-il interdire la recherche scientifique2 ? »
Si vous ne connaissez pas François Graner, ni Alexandre Grothendieck, vous pouvez lire les articles
que le premier et nous-même avons consacrés au second. Et pardon de tous ces liens qui hérissent
ce texte3.
Dans sa chronique de L’Humanité, Sylvestre Huet s’en prend une fois de plus à la « confusion »,
qui semble être son épouvantail fétiche lorsque l’on ose critiquer les technosciences et la société
industrielle. Sylvestre l’avisé nous rappelle que les paysans du néolithique n’ont pas eu besoin de
tronçonneuses pour raser la forêt. Que les massacreurs des temps passés ou des pays ruraux
(Cambodge, Rwanda), n’ont pas eu besoin d’armements sophistiqués pour massacrer. Tout dépend
de ce que l’on fait des haches et des tronçonneuses ; des haches et des armements sophistiqués. Il
est donc « confus », selon Huet, d’inculper la société industrielle et technoscientifique pour sa
production de bombes nucléaires, biologiques, chimiques, et pour toutes ses armes de destruction
massive. Comme si ces armes n’avaient pas rendu la destruction plus facile, plus rapide, plus
extrême, plus efficace. Comme si elles n’avaient pas permis un « saut qualitatif » dans la capacité
de destruction. Comme si la tronçonneuse et le bulldozer à l’oeuvre dans la forêt amazonienne
n’accomplissaient pas en quelques décennies la destruction que les haches du néolithique avaient
mis des millénaires à accomplir en Europe.
Mais dans ce cas, Sylvestre Huet, pourquoi produire des bombes et des tronçonneuses ? A quoi bon
si elles ne sont pas plus performantes que des haches de pierre ? Où est le progrès alors ? Où est
l’essor des « forces productives » (destructives), qui oriente pour tout communiste scientifique le
« sens de l’histoire » ? Comment la production et la population mondiales ont-elles pu décupler,
centupler, ravager les sols, les sous-sols, les eaux et les airs depuis deux siècles ? Il a bien fallu des
moyens matériels, on n’arrive pas à un pareil résultat en jetant simplement et littéralement de
l’argent par les fenêtres, ni en l’entassant dans un coffre – où, stupide valeur numérique abstraite,
il s’accroit abstraitement, numériquement, en dormant ? Il faut bien que cet argent investi serve,
soit asservi à la recherche et à la découverte scientifique, à la mise en oeuvre industrielle de
nouveaux moyens de production.
« Surtout, » insiste Sylvestre le clairvoyant, que « la plupart des résultats de recherche, en physique,
chimie ou biologie, n’ont débouché sur aucune application technologique et industrielle. » Voilà
une sentence qu’on pourrait relire sans se lasser comme rarissime symptôme d’insanité, tout en
contemplant de sa fenêtre, les lignes électriques, les antennes 5G, les trains, les trams, les enseignes,
les voitures et tous les signes apparents de la machinerie qui structure en surface et en sous-sol, la
métropole contemporaine. Mais Sylvestre ne veut pas rien dire.
« Qui a choisi celles (NdR. : « les applications technologiques et industrielles ») qu’il
fallait utiliser et celles qu’il fallait négliger ? En fonction de quels intérêts et objectifs ?
Ce fait indique que c’est plutôt vers l’organisation sociale, les intérêts de classe et les
idéologies qui en surgissent qu’il faudrait tourner l’analyse. »
Nous y revoilà. Tout dépend de qui choisit les applications technologiques et industrielles de la
science. Pour notre communiste scientifique, c’est « l’appétit de profit rapide qui guide les choix
des entreprises privées » et on s’explique donc que « la plupart des résultats de recherche, en
physique, chimie ou biologie, n’ont débouché sur aucune application technologique et
2 Cf. Raison présente n°228. https://www.cairn.info/revue-raison-presente
3 https://www.piecesetmaindoeuvre.com/documents/devons-nous-arreter-la-recherche et
https://www.piecesetmaindoeuvre.com/documents/alexandre-grothendieck-survivre-et-vivre-notre-bibliothequeverte-
no-36
3
industrielle. » Les capitalistes sont avides et avares. Ils n’investissent que dans très peu de
développements, uniquement ceux susceptibles de leur rapporter vite et gros, délaissant toutes ces
recherches n’ayant débouché sur nulle innovation « technologique et industrielle. » Gâchis,
gaspillage, gabegie capitaliste ! Ah, si l’anticapitalisme et les anticapitalistes dirigeaient la société,
ils transformeraient le monde – scien-ti-fi-que-ment – en un rien de temps, comme ils l’ont fait dans
ce « camp socialiste » qu’ils ont dirigé assez longtemps pour en faire une des pires étendues
empoisonnées et dévastées de la surface terrestre.
Quant aux États et aux gouvernements (« l’organisation sociale »), libéraux, ultra-libéraux (« les
idéologies »), ils sont au service des capitalistes, nous enseigne Sylvestre le sagace, et voilà
pourquoi notre climat se réchauffe. Alors que « seul un contrôle démocratique éclairé par les
connaissances – donc par la recherche – pourrait hisser (la prudence) comme guide des décisions
citoyennes et politiques. »
Traduction : le communisme scientifique et vice-versa. Le communisme ne peut être que
scientifique et la science ne peut être que communiste. Où l’on retrouve sous le patelinage
« démocratique » et « citoyen » de nos experts climatiseurs l’arrogance de Marx et d’Engels, la
volonté de « contrôle politique », et la prétention au « gouvernement des savants », des
« éclairés/éclaireurs », dénoncée en son temps par l’anarchiste Bakounine.
Comme toutes les classes dominantes, cette technocratie communiste se couvre de l’intérêt
général :
« Bien formuler la question n’est pas un sujet académique, dénué d’importance pour 8
milliards d’êtres humains. Car il serait risible de croire que l’allongement historique de
l’espérance de vie en bonne santé de la population mondiale actuelle ne trouve pas
l’une de ses sources dans l’usage massif de savoirs scientifiques et des technologies.
Tout autant que de négliger ce fait : la puissance de ces technologies rend nécessaire
une plus grande prudence dans leur déploiement. »
Voyons voir : l’usage massif de la puissance, ou plutôt de la puiscience, est l’une des sources de
l’emballement démographique planétaire depuis deux siècles et de « l’allongement de l’espérance
de vie en bonne santé de la population mondiale » - chic – mais attention ! Cette puiscience est si
puissante qu’elle nécessite une « grande prudence ». Elle peut tuer ou sauver. Comme le
pharmakon, le remède qui peut aussi être un poison. Tout dépend de la dose. Mais qui donc sont
les « prudents » à même de déployer cette puiscience sinon les savants, les chercheurs, les experts,
les spécialistes, les scientifiques ? Autant dire la technocratie communiste pour désigner tout à la
fois un régime social et sa classe dirigeante ; la classe de la puissance à l’ère technologique4. Aussi
n’est-ce pas « l’appétit de profit rapide » qui a motorisé le ravage de la Terre depuis deux siècles,
mais une volonté de puissance illimitée que les courants communistes et libéraux avaient également
en partage ; quitte à se copier/voler dans leur course à la puissance, toutes sortes de moyens et de
méthodes : l’organisation scientifique du travail comme les secrets de la bombe et de l’énergie
nucléaire. Les voici également rendus à l’organisation scientifique du monde.
Ce que réclament Sylvestre Huet et les communistes scientifiques, dans la droite ligne de Saint-
Simon et d’Auguste Comte, c’est ce qui existe déjà : la subordination de l’État et du Capital au
progrès de la puissance, sous la guidance des éclairés/éclaireurs qui orientent les plans
d’investissement, de recherche & développement, à travers la multitude de commissions et
d’exécutifs, locaux, régionaux, nationaux, européens, qu’ils « éclairent ». Soit à titre de
consultants ; soit en tant qu’élus dans ces multiples instances.
Simplement, le parti des communistes scientifiques dispute aux autres partis (écolos, libéraux,
nationalistes), à prétention non moins scientifique, la représentation et la direction de la classe
technocratique. Reste le programme commun à l’ensemble des partis technocratiques : Ordre et
4 Cf. Marius Blouin, De la technocratie. La classe puissante à l’ère technologique. Service compris, 2023
4
Progrès. Remplacement du gouvernement des hommes par l’administration des choses ;
informatique, cybernétique, machine à gouverner – d’où besoins exponentiels en électricité.
Et c’est également à quoi travaille ce soir, avec orgueil et modestie, un idéologue de deuxième
ordre, anxieux comme nous de sauver le monde et ses habitants. On pourrait certes formuler
d’autres « bonnes questions » que la sienne. Quelles sont les autre sources de croissance d’une
population en meilleure santé, hors le recours massif aux technosciences industrielles ? Pourraiton
privilégier « massivement » ces autres sources ? Pourquoi serait-il mieux d’avoir une
population de 8 milliards d’humains, et bientôt de 10 milliards, sur une planète carcérale de plus
en plus réduite par les moyens de communication ? Quel prix écologique, social, psychologique,
culturel, etc., payons-nous individuellement et collectivement pour une telle pléthore de
population ? Et pour toute cette puiscience acquise en 200 ans ? Cette explosion démographique
va-t-elle se poursuivre ? Apparemment non en Europe, en Russie, en Amérique du Nord, en Chine,
au Japon, en Corée et partout où les femmes ont leur mot à dire. Apparemment oui, en Inde, en
Islam et en Afrique subsaharienne. Mais notons que les pays en détresse démographique pourront
bientôt recourir – outre l’immigration et la robotisation - aux nouvelles technologies reproductives
(gamètes et utérus artificiels) pour faire pièce à la grève des ventres, « payer nos retraites »,
alimenter la croissance, la production, la consommation, etc.
Tout le monde est arrivé. Nous voici une centaine dans une salle en grande majorité occupée par
des êtres chenus ou grisonnants, dont quelques crampons qui s’incrustent dans toutes les réunions
et conférences-débats grenobloises. C’est gratuit. Ca occupe leurs soirées. Et on leur laisse toujours
une minute démocratique pour faire part de leurs utiles contributions. Les retardataires, dont
nombre de militants, tiennent debout contre le mur du fond. On remercie la librairie partenaire. Le
thème de la soirée s’affiche à l’écran : « Le climat change, pourquoi, comment, est-ce dangereux ?
Que faire ? » Une caméra sur un trépied filme le public, cependant qu’un photographe multiplie les
photos sous tous les angles, et spécialement sous l’angle de celui qui tente d’échapper à l’objectif ;
celui qui ne veut pas se faire voler son image, ni la voir prise dans la Toile. Du reste, cela ne trouble
pas les êtres communistes qui brandissent eux-mêmes des tablettes pour s’entre prendre en photo,
eux et l’orateur ; au point qu’on a parfois l’impression d’assister à une réunion d’écrans-caméras à
bout de bras. Antonin Grandfond, jeune attaché du groupe communiste à la Métro (37 ans d’après
« Copains d’avant »), et docteur en nanotechnologie de l’Insa Lyon (décembre 2014), d’après le
site de l’Institut national de science appliquée5, annonce le programme : une heure de conférence
par Sylvestre Huet, un quart d’heure pour Grandfond afin d’« exposer le plan Climat du Parti », et
ensuite « un court temps de questions – débat ».
Sylvestre Huet se présente, sexagénaire au visage lisse et glabre, lèvres minces, étirées, fines
lunettes, vaste front s’arrondissant d’un crâne en voie de calvitie, mâchoires costaudes, promptes à
se crisper. « D’où je parle ». Journaliste depuis 1983. Son premier article en 1987 sur « les
émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines ». Explication du mécanisme de
« l’effet de serre » à travers ses découvreurs successifs (le Grenoblois Joseph Fourier, en 1824 ; le
Suédois Arrhenius, en 1896 ; l’autre Grenoblois, Claude Lorius, en 1987 - voir sa nécro en annexe,
etc.). Puis l’exposé factuel dévie dans la falsification politique quand l’exposant aborde les causes.
« …depuis la révolution industrielle, les êtres humains utilisent du charbon, du gaz, du
pétrole… et surtout depuis la Seconde guerre mondiale, l’Homme émet du CO2 dans
l’atmosphère… »
5 Cf. « Étude de la fiabilité des mesures électriques par la microscopie à force atomique sur couches diélectriques ultraminces
: Développement d’une technique de pompage de charge résolue spatialement pour la caractérisation des
défauts d’interface », http://www.theses.fr
5
Bien qu’il ne prononce pas le mot, il semble à ce moment que Sylvestre Huet souscrive
implicitement à l’étrange thèse de l’« Anthropocène », formulée par Crutzen (1933-2021) et
Stoermer (1934-2012) à la fin du siècle dernier. Deux authentiques scientifiques éclairés
(biologiste, chimiste), qui situent le début de cette nouvelle ère géologique à la « révolution thermoindustrielle
», précisément datée de 1784 (machines à vapeur, pompes à feu, etc.).
On voit donc que le grand coupable de ce brusque réchauffement climatique qui risque de rendre
« la Terre inhabitable », ce n’est pas l’Anthropos, l’Homme, les « êtres humains », malgré leurs
déprédations depuis 2,8 millions d’années ; mais – l’Industriel, et même le Thermo-industriel,
apparu, lui, depuis deux siècles. Une conséquence aussi têtue qu’inacceptable pour nos
scientifiques éclairés, ainsi que pour Sylvestre Huet, notre ennemi de « la confusion ». Et pour
cause. Je note à la volée « … gaz, charbon, pétrole, c’est la vie ; 80 % de ce qu’on fait… industrie,
transports… » Et notre « vie », hein, la société industrielle et son « progrès », ce n’est pas
négociable.
Passons sur les multiples conséquences catastrophiques de ce réchauffement climatique ;
sécheresses, déluges, tempêtes, submersion des côtes, perte des sols, ravages agricoles, disettes,
migrations de masse, etc. L’orateur n’ajoute rien de neuf au catalogue des fléaux déjà connus du
chaos en cours.
« Alors que faire ? » s’interroge-t-il. La diapo suivante nous donne la réponse en trois
points.
« – Fournir à 8 milliards d’êtres humains des conditions de vie décentes.
– S’adapter au changement.
– Atténuer le changement en diminuant les émissions de carbone. »
Mais une nouvelle diapo résume encore ces trois points. On y voit des manifestants proclamer en
banderole « changeons le système, pas le climat ». Le « système capitaliste » bien sûr, non pas le
« système technicien » (Ellul, 1977), ni la société industrielle, alias « société de consommation »
(Baudrillard, 1970). Il n’est pas question ici de décroissance – et encore moins de dépuissance. La
salle, remplie d’êtres de bon sens, s’esclaffe, « et comment qu’on va nourrir les gens ? », « Et
comment qu’on va s’habiller ? » On voit que les objections communistes scientifiques à la critique
écologiste ont bien gagné en finesse depuis un demi-siècle.
Sylvestre Huet concède qu’il va falloir réduire la demande de consommation – chez nous, au nordouest
du monde - y compris pour ce public de militants des classes moyennes, gavé et dressé depuis
des décennies à réclamer plus de « pouvoir d’achat ». Qu’il va falloir conserver, restaurer ou
augmenter les puits de carbone naturels (sols, forêts). Mais c’est du bout des lèvres, en passant,
comme une concession tactique, de pure forme, aux écologistes.
Ainsi nos communistes réclament des transports en commun plutôt que des voitures individuelles.
Ils s’esclaffent derechef quand on leur suggère d’arrêter les déplacements de foules et les transports
de marchandises ; d’abolir l’industrie du tourisme, d’annuler les Jeux olympiques, d’arrêter le
chantier de la ligne Turin-Lyon (en fait Lisbonne-Kiev).
Leur véritable solution technologique, y compris dans le cadre du « système capitaliste », tient en
un mot ; le même que celui des libéraux, des nationalistes et des renégats écologistes :
décarbonation. D’abord le recours marginal aux « énergies renouvelables » - mais destructrices de
matériaux rares, polluantes à produire et à implanter, lignes d’éoliennes (comme dans la baie de
Saint-Brieuc), épandage de panneaux solaires (comme sur la montagne de Lure) - à condition que
ces machines soient made in France et non pas chinoises. Mais surtout, surtout, « la fission
nucléaire ».
En France, nous dit Sylvestre Huet, nous avons de la chance et une électricité décarbonée à 95 %.
D’abord grâce à l’hydroélectricité qu’on connaît bien ici, dans les Alpes, avec tous ces barrages et
ces lignes qui remontent au XIXe siècle – mais tous les fleuves et torrents sont déjà « équipés ».
6
Artificialisés, industrialisés. Heureusement, deuxième coup de chance, « nous, la France », nous
disposons d’une technologie nucléaire de premier ordre. Sylvestre Huet ne juge pas utile de
rappeler que c’est aux scientifiques communistes, Irène et Frédéric Joliot-Curie (parmi d’autres),
que « nous, la France » devons notre excellence nucléaire. La fille et le gendre de Pierre et Marie
Curie, co-prix Nobel 1935 pour leurs recherches sur la radioactivité et codécouvreurs d’un
« explosif puissant » ayant fait l’objet d’un brevet relatif au « Perfectionnement aux charges
explosives » déposé le 4 mai 1939 à Paris6.
C’est de ce brevet que s’enorgueillit L’Humanité du 8 mai 1945, lors du bombardement
d’Hiroshima : « La bombe atomique a son histoire depuis 1938, dans tous les pays des savants
s’employaient à cette tâche immense : libérer l’énergie nucléaire. Les travaux du professeur
Frédéric Joliot-Curie ont été un appoint énorme dans la réalisation de cette prodigieuse conquête
de la science »7.
Irène et Frédéric Joliot-Curie, ces deux scientifiques communistes et industrialistes, dirigent en
cette même année 1945, la création du Commissariat à l’énergie atomique, dont le premier
détachement en province ouvre à Grenoble en janvier 1956, sous la direction de Louis Néel, prix
Nobel de physique 1970. Je résume ici ce que Sylvestre Huet n’a pas dit au public de la Société
des lecteurs et lectrices de L’Humanité. Sans doute faute de temps et parce que nombre d’employés
ou retraités du CEA, dans la salle, connaissent cette histoire qui va sans dire. La grande supériorité
de l’électronucléaire sur les énergies renouvelables (ENR, solaire, éolien), c’est qu’il est pilotable,
nous explique-t-il. Contrairement aux énergies solaire ou éolienne ni régulières, ni stockables. Or
rappelez-vous du thème de la soirée : que faire face au réchauffement climatique ? – décarboner
l’énergie. Quelle énergie décarbonée est disponible et pilotable ? – L’électronucléaire.
L’argument ne date pas d’aujourd’hui. C’était déjà celui qu’assénait Louis Néel (1904-2000) lors
des débats du Conseil général de l’Isère, à propos de Superphénix, en 1977. Bien avant la
découverte de « l’Anthropocène » par nos scientifiques éclairés ; douze ans avant la fondation de
ce Giec dont Sylvestre Huet nous vante la direction clairvoyante. Tout fiérot de se faire préfacer
par l’un de ses importants ; Jean Jouzel, lui-même chercheur au CEA et au CNRS de Grenoble.
Écoutez Louis Néel :
« … depuis que l’on brûle du charbon et du pétrole, la quantité de CO2 dans l’atmosphère
avait augmenté de 10 % environ. Cette quantité plus grande de CO2 dans l’atmosphère
produit un réchauffement indirect de cette atmosphère. On a pu calculer que ce
réchauffement indirect dû à la présence de CO2 dans l’atmosphère était vingt fois la
valeur du réchauffement direct par combustion ; ce qui vous montre l’importance du
problème. Si nous continuons à développer les centrales à combustion fossiles, au même
rythme qu’actuellement, à la fin du siècle on pourra arriver à doubler la quantité de CO2,
et les conséquences écologiques de cette augmentation de concentration sont absolument
impossibles à évaluer maintenant. Que se produira-t-il ? Il y aura sûrement un
réchauffement de l’atmosphère, peut-être fusion des glaces du pôle, etc. Ce qu’il y a de
grave dans cette augmentation du CO2 c’est que, si en ce qui concerne les déchets des
centrales nucléaires on sait un peu comment s’en protéger, on n’a aucun moyen pour
faire varier le taux de concentration carbonique dans l’atmosphère8. »
C’est ce chantage au réchauffement climatique que les communistes scientifiques réactivent un
demi-siècle plus tard, refermant ainsi le piège nucléaire. Le « débat » est en fait conçu pour rabattre
peu à peu tous les participants, dans le cul-de-sac de l’unique meilleure solution. A partir de ce
moment, que ce soit Sylvestre Huet qui s’exprime, ou Antonin Grandfond le représentant ès-qualité
du Parti, la réunion se transforme en séance de propagande nucléariste et fanatique. Grandfond,
6 Cf. Pièces et main d’oeuvre, Sous le soleil de l’innovation, L’Échappée, 2013
7 lire aussi « Nucléaire : l’impasse de la puiscience » en ligne sur www.piecesetmaindoeuvre.com
8 Conseil général de l’Isère. « Creys-Malville, le dernier mot ? ». PUG, 1977
7
visage poupin, futur dodu, « encore jeune » et sans lunettes, cheveux bruns coiffés à plat, nous
énonce avec force les « propositions du Plan Climat du Parti pour 2050 », formulées par « la
commission écologie du Parti » (« 800 membres, animée par un collectif national9 »), « modélisées
par un camarade ingénieur10 » et publiées en novembre 2023 dans la revue Progressiste, une
officine du PCF11.
Rassure-toi, lecteur humain, je ne vais pas t’infliger la critique détaillée de ce plan dont j’ai les
120 pages sous les yeux. Il y a pour cela des spécialistes et des collectifs, dont l’inénarrable Sortir
du Nucléaire – condominium des Verts et du NPA - qui revendique 62 819 membres, 892 groupes
et 15 salariés12 – mais pas un seul dans la salle, ce soir, pour contredire un prêche nucléarocommuniste.
L’avantage d’Antonin Grandfond, c’est que disposant de peu de temps et d’une éloquence
rudimentaire, il va à l’essentiel :
« On aura besoin de beaucoup d’électricité. On propose un quasi-doublement de la
production et de la consommation d’électricité. On propose l’électrification généralisée
de l’activité économique. Objectif : 72 %. On aura besoin de toutes les sources
d’énergies. On aura besoin des énergies renouvelables, l’éolien, le solaire, et on aura
besoin du parc nucléaire. Le nucléaire, seul mode de production pilotable. On aura besoin
du nucléaire en 2050. On a besoin d’installer des EPR. On propose de construire 20 EPR
d’ici 2050, plus douze SMR. (NdR. Small modular reactor) » - En plus du maintien en
service de 37 réacteurs déjà existants, jusqu’à 70 ans, « ce qui permet de lisser l’« effet
falaise » et de disposer de 45,8 GW de nucléaire historique en 205013. »
Antonin Grandfond : « La conclusion c’est qu’il faut réindustrialiser massivement. »
Le PCF, composante du transparti technocratique, n’a rien d’autre à proposer qu’Emmanuel
Macron et le Rassemblement national « pour que la Terre reste habitable ». Sauf la surenchère et
la fuite en avant technologique : « Pour atteindre la neutralité carbone d’une façon techniquement
réaliste et économiquement performante, il convient de planifier une relance de la filière
nucléaire bien plus importante que celle envisagée par RTE et esquissée par le Président de la
République actuel14. » Ce sont les auteurs qui soulignent en caractères gras.
En somme, ils n’ont rien d’autre à proposer que la poursuite et l’emballement de ce que la classe
thermo-industrielle - leur classe - a accompli depuis 1784. Rien d’autre que la politique de la Terre
brûlée et son intensification.
Comme disent les jeunes à tout propos, je suis choqué.
Mais où vont-ils chercher de l’uranium, Huet & Grandfond ? Où vont-ils enfouir les déchets
électronucléaires de leurs trains électronucléaires, de leurs vélos électronucléaires, de leurs
logements électronucléaires, de leurs usines électronucléaires, de leurs réseaux, banques de
données, ordinateurs, tablettes et smartphones électronucléaires ? Dans leurs caves ? Dans leurs
jardins ?
Ils ont pitié de ma naïveté, Huet & Grandfond. L’un m’explique qu’il faut « de la dialectique », et
l’autre du « réalisme » ; « qu’on ne peut pas s’en tenir aux slogans, genre « on arrête tout, on
réfléchit, etc. » Le combustible des centrales nucléaires, au cas où vous ne le sauriez pas, c’est de
la dialectique. Où vont-ils chercher de la dialectique les communistes scientifiques ?
9 https://www.pcf.fr>le_secteur_ecologie_old
10 un certain Victor Leny, syndicaliste CGT et membre de la « commission écologie » du PCF
11 « Plan climat Empreinte 2050 », revue trimestrielle Progressiste, « science, travail et environnement », revueprogressiste.
org
12 https://www.sortirdunuleaire.org
13 « Empreinte 2050 Plan climat pour la France », Parti communiste français et Progressistes, 6 novembre 2023, page
47
14 « Empreinte 2050 Plan climat pour la France », op.cit, page 6
8
« A plus court terme, la France dépend de ses imports d’uranium naturel de l’étranger
(7,4 kt en 2019)15. Au cours des dix dernières années, la France a importé
principalement de l’uranium du Kazakhstan (27%), du Niger (20%), d’Ouzbékistan
(19%), d’Australie (14%) et de Namibie (14%)16. L’importance, certes significative,
du Niger ne doit donc pas être surestimée, d’autant plus que l’entreprise Orano, leader
mondial du combustible nucléaire, a rouvert une mine au Canada17 et prévoit d’en
ouvrir une en Mongolie18 pour diversifier son approvisionnement. Par ailleurs, la
France a produit jusqu’à 3,5 kt d’uranium grâce aux mines ouvertes sur son territoire
par le passé, qui ont toutes fermé à partir des années 1980 pour raison économique. La
réouverture de ces mines pourrait être intégrée au plan climat pour la France, Empreinte
205019. »
Ces dialecticiens veulent ravager jusqu’au fin fond de la Terre ; forer, torturer, arracher. Ce que de
jeunes diplômés avides de concepts et de reconnaissance nomment « extractivisme », après avoir
vu Trou story en 2011 ; le film des Québécois Robert Monderie et Richard Desjardins, qui
documente les crimes de l’industrie minière en Abiti-Témiscamingue. Mais qu’est-ce que
l’industrie minière, sinon une branche du crime industriel ? Du crime organisé en société ?
A long terme (pas trop long), les communistes scientifiques veulent refaire Superphénix, le
« surgénérateur à neutrons rapides » de Malville, construit au prix du sacrifice humain de Vital
Michalon (31 juillet 1977). Une machine infernale qui n’a pratiquement jamais fonctionné entre
1984 et 1996, et depuis lors « en démantèlement20 ». Creuser un trou, boucher un trou, c’est
toujours des crédits et du pouvoir pour la nucléocratie communiste.
« Les réacteurs à neutrons rapides ont la capacité, tout en produisant de l’énergie à partir
d’uranium, de transmuter l’uranium 238 en plutonium 239 fissile. S’ils étaient déployés
à suffisamment large échelle, ils réduiraient donc la consommation d’uranium d’un
facteur 100. Avec son stock d’environ 320 kt d’uranium appauvri, la France pourrait
ainsi être autonome en combustible nucléaire pendant 5000 ans21. »
« La France dispose de compétences et d’une histoire industrielle en la matière avec
les réacteurs Phénix (fermé en 2009), Superphénix (fermé en 1997), et le projet Astrid
(abandonné en 2019) qui sera relancé22. »
Rappelons que le plutonium n’est pas un élément naturel, mais un produit par irradiation et
transmutation de l’uranium dans les réacteurs nucléaires.
On se dit parfois que si les foules avaient conscience de l’existence du plutonium et de ses capacités
exterminatrices, elles prendraient d’assaut les laboratoires et battraient à mort les scientifiques qui
le fabriquent. Mais c’est évidemment Sylvestre Huet, le réaliste, qui a raison. Les foules sont
heureuses de travailler à La Hague et de baigner dans un milieu radioactif. Tout ce qu’elles veulent,
15 Cf. IAEA, NEA (2021). Uranium 2020 : Resources, Production and Demand. https://www.oecdnea.
org/jcms/pl_52718/uranium-2020-resources-production-and-demand
16 Cf. https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/08/03/a-quel-point-la-france--est-elle-dependante-de-luranium--
niderien_6184374_4355770.html
17 Cf. https://www.orano.group/fr/l-expertise-nucleaire/tour-des-implantations/mines-d-uranium/canada/exploration
18 Cf. https://www.orano.group/fr/actus/actualites-du-groupe/2023/octobre/orano-signe-un-protocole-d-accord-pourle-
developpement-et-la-mise-en-exploita-tion-d-un-projet-de-mine-d-uranium-en-mongolie
19 « Empreinte 2050 Plan climat pour la France », op.cit, page 91
20 Cf. « Mémento Malville » sur www.piecesetmaindoeuvre.com
21 « Empreinte 2050 Plan climat pour la France », op.cit, page 91
22 « Empreinte 2050 Plan climat pour la France », op.cit, page 93
9
les foules heureuses, c’est justement ne pas savoir, afin de jouir paisiblement de leur mode de vie
douillettement électronucléaire. Elles battraient à mort l’ennemi du peuple qui tenterait de leur ôter
ou de leur gâcher leur paisible jouissance électronucléaire et radioactive. Même une catastrophe,
des milliers de morts et de malades, des zones dévastées, contaminées, militarisées, n’y suffirait
pas. J’ai entendu l’autre soir un être retraité du CEA proclamer sans que nul ne tressaille ou ne le
reprenne : « Il n’y a eu que 30 morts à Tchernobyl. » Cette flamboyante centrale communiste,
conçue, construite et opérée par des scientifiques éclairés, éclairants.
Le verdict de Pimprenelle est tombé impitoyable : « On devrait tous les obliger à lire La
Supplication de Svetlana Alexievitch. » C’est vache. Moi, je n’ai pas voulu. Je n’ai pas osé. J’avais
peur de fondre en larmes et de pleurer d’un bout à l’autre du bouquin. Enfin. Si vous avez le
courage ; La Supplication : chroniques d’un monde après l’apocalypse. Lattès, 1998.
Je suis d’ailleurs sûr que les communistes scientifiques pourraient lire La Supplication sans la
moindre sensiblerie ; sans y voir autre chose qu’un retex, un retour d’expérience en vue de
prochaines catastrophes à gérer en toute résilience.
Le pire pour moi c’est l’absence d’apocalypse. Le consentement à la servitude nucléaire. Le
fonctionnement sans fin sous la menace indéfiniment suspendue de la catastrophe. La société
nucléaro-communiste avec son intangible hiérarchie de scientifiques, détenteurs de l’expertise
nucléaire, maîtres de forces terrifiantes, prêtres et gardiens de pyramides maléfiques ; et encore
protégés par une milice armée (vigiles, gendarmes, services secrets) ; garante de la sécurité des
centrales et de la suprématie sociale des scientifiques. Une société morne et morbide à perpétuité.
Huet le réaliste a la solution.
Vous allez rire.
Enfouir les « déchets ultimes » - ceux-là que même les scientifiques communistes n’envisagent pas
de recycler - où l’on a extrait les minerais en premier lieu. Au fond de la Terre. Son visage
s’enflamme tandis qu’il nous vante avec passion la sûreté du « stockage en couche géologique
profonde », au fond des galeries souterraines de Bure - un hameau aux confins de la Meuse, de la
Haute-Marne et des Vosges - pour les siècles à venir. C’est le projet Cigéo, l’enfouissement d’ici
2035-2040, d’au moins 83 000 m3 des déchets les plus radioactifs et les plus longuement radioactifs
dans les argiles intestines. L’idée semble l’exalter. Les Suédois le font ! Les Finlandais le font ! Et
pourtant, hein, les Finlandais, c’est pas des bolcheviques !
Cette référence aux bolcheviques lui revient deux ou trois fois, quoique personne - même pas moi
- n’ait rappelé la fameuse sentence de Lénine, il y a un siècle de cela ; « le communisme, c’est les
soviets (NdR. conseils), plus l’électricité. »
Huet a remplacé « les soviets » par le « contrôle démocratique23 », et « l’électricité » par
« l’électronucléaire ». Il n’y aura pas plus de « contrôle démocratique » qu’il n’y a eu de « soviets »
durant 60 ans de communisme technocratique. En revanche, il y aura bel et bien l’électronucléaire
qui, en raison de sa complexité et de sa dangerosité, ne restera « contrôlable » que par la caste
nucléocratique et sous la garde de sa milice. Sauf les accidents et les incidents (« le risque zéro
n’existe pas. »), les attentats, les bombardements, etc.. Sauf les perpétuelles pollutions radioactives.
Il sait de quoi il parle, Huet. Il travaille pour/avec l’Andra (l’« Agence nationale pour la gestion
des déchets radioactifs24 »), à l’acceptabilité sociale de son projet Cigéo (« Centre industriel de
stockage géologique de déchets radioactifs, hautement radioactifs et à durée de vie longue »).
Il fait partie des quatre manipulateurs d’un « comité de pilotage » prétendu « indépendant », mais
recruté par l’Andra, afin d’organiser une « conférence de citoyens » en mai-juillet 2021, pour vernir
Cigéo d’une caution prétendue citoyenne25. L’Andra a également sous-traité l’animation de cette
23 Cf. L’Humanité, 12 février 2024
24 Cf. andra.fr
25 Cf. https://www.andra.fr « Conférence de citoyens. Phase industrielle pilote de Cigéo »
10
opération de com’ à l’agence Missions Publiques. Une SARL de prestations en acceptabilité sociale
d’une vingtaine de salariés, en activité depuis 1998 et propriété d’un certain Yves Mathieu,
businessman en « démocratie participative » - « Participer, c’est accepter »26.
J’ignore le montant du contrat entre l’Andra et Missions Publiques. La communication de l’Andra
ne mentionne pas non plus de rémunération, ni de « frais de mission » pour les quatre « pilotes »
de sa « conférence de citoyens ». Ils doivent travailler pour le bien public. De même que la
vingtaine de marionnettes citoyennes recrutées par un institut de sondage, afin d’obtenir un
échantillon sociologiquement représentatif de la population française. N’en sont exclus que les
spécialistes et les « militants » (sic. Les opposants). C’est-à-dire ceux qui s’intéressant au sujet ont
pris la peine de s’informer par eux-mêmes et de se forger leur propre opinion. Cela tombe bien, ces
mêmes opposants refusent désormais de cautionner par leur présence les « pseudo-concertations
prémâchées par l’Andra qui n’existence que pour alimenter sa communication27 ».
Ce que veulent l’Andra, son prestataire Missions Publiques et notre quatuor de « pilotes », ce sont
des « profanes » - suivant leur propre mot – des naïfs flattés de leur subite importance et dociles
aux « éclairages » des experts et chercheurs qui viendront justement leur apporter « une
information pluraliste et éclairée », « afin qu’ils se forgent une opinion éclairée ». C’est-à-dire une
opinion reflétant les éclairages reçus, comme la lune reflète la lumière du soleil. Laquelle opinion
n’a d’ailleurs aucune importance. Nos « citoyens », tels des rats de laboratoire, suivent un parcours
préétabli, ne répondent qu’à des questions soigneusement bornées et ne formulent que des « avis »,
on ne peut plus consultatifs. Cette « conférence » se déroule en trois sessions de 2 à 3 jours, avec
un programme de visites instructives à Bure et des cours non moins instructifs, donnés par des
lumières électronucléaires, sur des sujets choisis :
Jean-Michel Romary, directeur maîtrise d’ouvrage démantèlement et déchets, Orano.
Delphine Pelligrini, cheffe de service, IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire)
Virginie Wasselin, cheffe du service stratégie filières, Andra.
Yves Lheureux, directeur ANCCLI (Association Nationale des Comités et Commissions Locales
d’Information)
Anne-Cécile Rigail, directrice générale adjointe, ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire)…Etc., etc.
Rien que des êtres nucléaristes, professant la nécessité du nucléaire et la possibilité d’une sûreté
nucléaire, pourvu que l’on se plie à ses règles despotiques. Comme le disait Engels, ce communiste
scientifique :
« Si, par la science et son génie inventif, l’homme s’est soumis les forces de la nature,
celles-ci se vengent de lui en le soumettant, puisqu’il en use, à un véritable despotisme
indépendant de toute organisation sociale. Vouloir abolir l’autorité dans la grande
industrie, c’est vouloir abolir l’industrie elle-même, c’est détruire la filature à vapeur
pour retourner à la quenouille28. »
Et si il y a une chose de sûre en l’espèce, c’est que nos communistes scientifiques ne veulent ni
abolir l’industrie, ni retourner à la quenouille.
Les citoyens, cependant, dûment programmés par Huet et ses copilotes, prennent de la hauteur :
« Comment savoir, ce qui est vrai en science ? Comment expliquer la confusion de plus en plus
fréquente entre faits et points de vue ? » Éclairages en visio-conférence avec Étienne Klein, auteur
et propagandiste médiatique des technosciences. Philippe Saint Raymond, polytechnicien et
ingénieur des Mines pour leur conter l’histoire de l’Autorité de sûreté nucléaire. Pauline Abadie,
« juriste spécialisée en éthique, membre du Comité Éthique et société auprès de l’Andra » (une
26 Cf. https://missionspubliques.org . « Intelligence collective et politique : 5 questions à Yves Mathieu » 24 janvier
2020 cbabinchevaye.com
27 voir en annexe le communiqué du 23 juin 2021 de la Coordination Stop Cigéo
28 De l’Autorité, 1872
11
universitaire de Saclay), et Christian Gollier, économiste, directeur général de la Toulouse School
of Economics, pour se poser les questions éthiques des relations intergénérationnelles (« que laisset-
on à nos descendants ? Nous empruntons la Terre à nos enfants »).
La conclusion de ces débats, on la connaît. Le Conseil constitutionnel a jugé la mise en oeuvre du
projet Cigéo conforme à la Constitution, le 27 octobre 202329 ; affirmant dans la même décision le
droit des générations futures à vivre « dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».
Pas de souci. Les ordures nucléaires seront récupérables durant un délai de 100 ans. Puis, ayant
ainsi fait la preuve de son éternelle sûreté, la fosse sera scellée, et avec elle des déchets toxiques
pour des centaines de milliers d’années – à moins qu’ils ne finissent par fuiter et s’infiltrer dans les
eaux profondes30.
Rien de nouveau pour les Grenoblois, même s’ils ont choisi de l’ignorer ou de l’oublier. Le
Commissariat à l’énergie atomique de Grenoble (CEA-Ceng) a exploité des décennies durant trois
réacteurs nucléaires en pleine ville : Siloé, Siloëtte et Mélusine. Le 7 novembre 1967, Siloé subit
un grave accident, contaminant l’eau de sa piscine de refroidissement et dégageant des rejets
radioactifs dans l’atmosphère. Le 19 juillet 1974, une fuite se produit dans le réacteur à haut flux
de l’Institut Laue-Langevin. En raison de déversements trop importants d’effluents radioactifs dans
des égouts insuffisamment étanches, la nappe phréatique est contaminée. En certains endroits, la
concentration maximale admissible pour la population est dépassée de 14 fois dans l’Isère, jusqu’à
9 fois dans la nappe phréatique.
Après l’arrêt de Mélusine (8 mégawatts), en 1989, et de Siloé (35 mégawatts), en 1997, le CEA
annonce l’arrêt de Siloëtte en juillet 2002. Le Daubé revient sur ces fermetures quelques mois plus
tard, dans un entretien avec Jean Therme, le directeur du CEA-Grenoble. On y apprend que « les
piscines des réacteurs Mélusines, Siloé et Siloëtte, qui contenaient de l’eau recouvrant le
combustible seront vidées d’ici à la fin de l’année 2003. » Que « l’eau radioactive est régulièrement
rejetée en petites quantités dans l’Isère. » « Mais que selon Jean Therme, les quantités rejetées sont
tellement faibles qu’elles se diluent dans la rivière ; « Les traces de radioactivité dans l’Isère sont
homéopathiques ». Et « tout aussi extrêmement faibles par rapport à l’environnement normal. »
« Les sites seront alors rendus à l’herbe, promet Jean Therme, « Preuve que des installations
nucléaires peuvent fonctionner à proximité d’un centre urbain pendant quarante ans et être ensuite
démantelées sans impact pour l’environnement31 ».
Jean Therme est parti à la retraite en 2015, nous laissant une rivière radioactive à doses
homéopathiques. Ni oubli, ni pardon, même si je n’arrive pas à lui souhaiter son cancer. Quant à
Huet, Grandfond et à leurs pareils de la « Commission écologie du Parti », qui persistent dans
l’intoxication nucléaire et techno-progressiste, je ne leur demande que de boire chaque jour l’eau
de l’Isère, afin d’éprouver par eux-mêmes « l’allongement de l’espérance de vie en bonne santé de
la population mondiale ».
Pièces et main d’oeuvre
Grenopolis, 24 février 2024
29 Cf. Le Monde, 27 octobre 2023
30 Cf. Marion Lantoine, 12 mai 2012, « L’indicible éternité de la mort nucléaire », sur
www.piecesetmaindoeuvre.com
31 Le Daubé, 30 janvier 2003
12
Annexes
Confusion à Libération
13/12/2006
https://www.piecesetmaindoeuvre.com/necrotechnologies/confusion-a-liberation
Mercredi 13 décembre 2006 dans Libération (p.10 : « Le débat sur les nanotechs court-circuité »),
Sylvestre Huet, chef du service Sciences, écrit :
« ... pour Attac ou le collectif antinano Pièces et main-d’oeuvre (2), il n’est pas question
de discuter d’un contrôle des risques sanitaires ou sécuritaires des nanomatériaux et
nanotechs, mais plutôt de s’opposer aux "nécrotechnologies". D’où un discours confus
qui mêle les vrais problèmes (toxicité des nanoparticules, contrôle démocratique des
technologies d’identification, justification des subsides publics au privé) avec des
anticipations technologiques douteuses ("les nanocaméras au service de dictatures"),
sans faire le distinguo. »
Nous ignorons d’où Sylvestre Huet tire cette parenthèse (« les nanocaméras au service de
dictatures »), mais puisqu’il veut faire le malin sur un sujet que visiblement il maltraite, nous vous
proposons ci-dessous quelques exemples parmi tant d’autres d’"anticipations technologiques
douteuses" censées, selon lui, ne pas être de "vrais problèmes". Ce qui contredit nos informations
à nous, sourcées et bénévoles.
Si les chefs de service des « media de référence » croient encore pouvoir imposer leurs points de
vue avec la force de frappe de leur « marque » et de leur diffusion, ils se trompent d’époque. Ce
genre de bourde ne peut que hâter la disparition, et le plus tôt sera le mieux, du quotidien bobo. On
ne se fait pas de souci pour Sylvestre, un garçon aussi raisonnable trouvera forcément un poste au
service de com’ du CNRS, ou des bouquins sur commande à torcher pour Les Petites Pommes du
Savoir.
*********
Pièces...
1) Nano-frelon espion et tueur en Israël
« Selon un quotidien israélien paru vendredi, l’état utilise la nanotechnologie pour créer des robots
de la taille d’un frelon, qui seraient capables de pister, de photographier et de tuer les cibles qui lui
seraient assignées.
Le robot volant, connu sous le nom de "bionic hornet" ou frelon bionique, serait a priori capable
de se frayer un chemin dans de tous petits endroits, afin de pouvoir réaliser de véritables opérations
de frappes chirurgicales, avec par exemple la neutralisation d’ennemis auparavant difficilement
atteignables, comme des soldats équipés de lance-roquettes, selon le quotidien Yedioth Ahronoth. »
Voir : www.generation-nt.com
2) Nano-drones en France
Depuis 2003, la Délégation générale à l’armement (DGA) développe le projet "Libellule" de
premier nano-drone français, qui pèse 20 mg pour une envergure de 6 cm. Le prototype a été conçu
par SilMach (CNRS/Université de Franche-Comté sous contrat DGA). La France dispose déjà de
micro-drones comme le DRAC (Drone de renseignement au contact) fourni par EADS à la DGA :
moins de 12 kg, permet l’observation de jour comme de nuit.
Voir : www.defense.gouv.fr/sites/dga/dossiers
13
3) Smart dust (poussières intelligentes) à Grenoble
« Nom du laboratoire : IMEP - Grenoble
Type de proposition : thèse, financement Région Rhône-Alpes
Durée : 3 ans
Domaine de compétence : microélectronique, système de radiocommunications,
radiofréquences, électromagnétisme et propagation.
Sujet de la thèse : étude de l’architecture et intégration d’un module pour Smart Dust
Cette thèse est la première du projet "SOC - Smart Dust" du cluster financé par la
Région Rhône-Alpes. L’objectif du projet est l’étude de faisabilité d’un "Réseau de
capteurs embarqués sur des personnes (ou autres êtres vivants)". Ce réseau de capteurs
sans fils composé d’éléments de la taille du millimètre (poussière communicante)
utilise les avancées de la micro et nanotechnologie. (La thèse) comporte différentes
parties étudiées en liaison étroite avec les laboratoires suivants participant au projet :
LCIS-Valence ; LHAC-Chambéry ; IMEP-Grenoble ; CITI-Lyon.
Contact : Fabien Ndagijimana, Professeur à l’Université Joseph-Fourier. IMEPENSERG.
Tél. : 04 76 85 60 23, Mél : fabien@enserg.fr »
Voir : www.minatec.com
4) Informatique disséminée en Suisse
« Dans notre vision du "Speckled Computing" (Informatique Disséminée), le recueil et
le traitement des informations seront très diffus - les personnes, les objets et l’espace
environnant devenant à la fois des outils informatiques et les interfaces avec ces outils.
Les surfaces, les murs, les sols, les plafonds, les vêtements, vaporisés avec ces
poussières, seront imprégnés d’une "aura informatique" et transformés en capteurs pour
des interactions fortes avec les outils informatiques. »
Voir : www.specknet
Et le mot de la fin pour le Journal du CNRS (octobre 2005) :
« Assurément, les nanotechnologies offriront donc la possibilité de fondre les
technologies de l’information dans notre environnement. Et l’on parle déjà, par
exemple, de poussières électroniques communicantes, minuscules systèmes capables
de se mettre en réseau pour recueillir et transmettre des informations. »
14
Nécro(techno)logie
Claude Lorius n’a rien vu en Antarctique
22/04/2023
https://www.piecesetmaindoeuvre.com/necrotechnologies/necro-techno-logie-claude-lorius-n-a-rien-vu-enantarctique
Le glaciologue Claude Lorius est mort le 21 mars. Nous ne sommes pas du genre à gifler les
cadavres, comme le firent les surréalistes à la mort d’Anatole France en 192432. Quoique la main
vous démange à la lecture de la presse éplorée. Le Figaro salue le « pionnier de la climatologie
moderne », Le Daubé le « lanceur d’alerte précoce », Libération le « géant des glaces », Le Monde
le « héros légendaire ». Qu’a donc fait Claude Lorius (à part mourir) pour mériter de telles
louanges ? Il a établi, en 1987, le lien entre la teneur en gaz à effet de serre dans l’atmosphère et
l’évolution climatique. D’un point de vue scientifique, s’entend. Ses études ont vérifié les
observations des montagnards : « ils ont détraqué les saisons ». Ce que chacun constatait en levant
le nez, et ce qu’officialise le dernier rapport de l’Organisation météorologique mondiale des
Nations unies : « La perte d'épaisseur cumulée des glaciers depuis 1970 s'élève à près de
30 mètres33 ».
Claude Lorius avait rejoint l’université de Grenoble en 1968, avant de devenir directeur adjoint
(1978-84) puis directeur du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement jusqu’en
1989. A Grenopolis, nous avons toutes sortes de scientifiques. Joseph Fourier, mathématicien, ami
d’Auguste Comte, préfet de l’Isère, fondateur de la Faculté impériale de Grenoble sous
Napoléon Ier, décrit les principes de l’effet de serre en 182434. Il tombe à pic. D’après les plus
certifiés des scientifiques, la révolution industrielle commence circa 1784 avec la machine à vapeur
de Watt. A Grenopolis, elle commence modestement avec les tanneries, les chaudronneries, la
mécanique, activités polluantes dont se plaint le Grenoblois moyen35. La révolution industrielle -
et permanente - s’emballe avec l’utilisation de la Houille blanche (hydroélectricité) en 1869 par
l’ingénieur Aristide Bergès dans sa papeterie du Grésivaudan. De proche en proche et
successivement, se développent électrométallurgie, électrochimie, électromagnétisme,
électronucléaire, micro-informatique, nanotechnologies, etc.36. Et la petite ville de 25000 habitants
du temps de Stendhal et de Fourier devient une métropole de 450 000 habitants, avec
120 laboratoires de recherche innovants et les dizaines de start up et de groupes industriels qu’ils
ont créés sous les auspices de la « synergie recherche-université-industrie », stimulant toujours plus
la production de gaz à effet de serre. Et parmi ces laboratoires, celui de Claude Lorius, qui démontre
le lien entre les gaz à effet de serre d’origine « anthropique » (enfin, industrielle) et le
réchauffement climatique.
En voilà, de la technoscience circulaire. Elle tourne en rond depuis des décennies sans frein ni
réflexion, tandis que fondent les glaciers au-dessus de la technopole, que s’assèchent les nappes
phréatiques au-dessous, que disparaissent entre les deux le paysage et ses anciens habitants.
Accélérer la catastrophe à proportion de la puissance technoscientifique et documenter la
32 Philippe Soupault, Paul Éluard, Pierre Drieu la Rochelle, Joseph Delteil, André Breton, Louis Aragon, Un
cadavre
33 https://www.radiofrance.fr/franceinter/la-partie-est-deja-perdue-la-fonte-des-glaciers-bat-des-records-alerte-lonu-
8798627
34 Cf. J.-Louis Dufresne, « Jean-Baptiste Joseph Fourier et la découverte de l’effet de serre », in La Météorologie,
n°53, mai 2006
35 Cf. Estelle Baret-Bourgoin, La ville industrielle et ses poisons. Les mutations des sensibilités aux nuisances et
pollutions industrielles à Grenoble, 1810-1914, PUG, 2005
36 Cf. Pièces et main d’oeuvre, Sous le soleil de l’innovation, rien que du nouveau !, L’Échappée, 2013
15
catastrophe, après tout, c’est toujours de la science. Et c’est elle qui prime et commande, à Grenoble
comme ailleurs.
C’est ce que nous fait savoir Claude Lorius ce vendredi 29 mai 2009. Nous tenons notre premier
Café luddite, avec Jean Druon et son documentaire Un siècle de progrès sans merci. Un retour
historique sur le rôle des physiciens - entre autres - dans la course au progrès technologique à tout
prix, y compris celui de la destruction.
La salle de la maison du Tourisme est comble. Surprise : le glaciologue est au premier rang. Mais
après tout, il vient de recevoir le prix Blue Planet, « l’une des plus prestigieuses récompenses
internationales dans le domaine de l’environnement » selon Le Monde, et il clame partout son
inquiétude.
« Avant, j’étais alarmé, mais j’étais optimiste, actif, positiviste. Je pensais que les
économistes, les politiques, les citoyens pouvaient changer les choses. J’étais confiant
dans notre capacité à trouver une solution. Aujourd’hui, je ne le suis plus… sauf à
espérer un sursaut inattendu de l’homme37. »
Un « sursaut inattendu », c’est ce qu’essaie de provoquer, à sa mesure, le courant écologiste, antiindustriel
et naturien, en contestant la volonté de puissance et ses vecteurs contemporains les plus
efficaces : la technoscience, l’industrie, la Machine. D’où notre Café luddite. Sacrilège ! Lorius
tempête et quitte la salle sans débattre. On aurait pourtant aimé l’entendre sur les effets climatiques
du développement de la « Silicon Valley française », oeuvrant au nanomonde connecté, à
l’intelligence artificielle, à la biologie synthétique et aux innovations disruptives de l’industrie.
L’incident en rappelle un autre, quelques semaines auparavant dans cette même salle, lors d’un
hommage au glaciologue. Des Grenopolitains le sollicitent pour signer une pétition contre le projet
de rocade nord et de tunnel routier sous la Bastille, destinés à accélérer les déplacements dans la
technopole saturée de voitures et de pollution. Le « lanceur d’alerte précoce », pensent-ils, ne peut
que s’alarmer de ce surcroît de gaz à effet de serre. Mais Lorius refuse : « Michel Destot m’a remis
une médaille, si je signe il ne va pas être content ».
Pour ceux qui l’ont déjà oublié, Michel Destot, maire de Grenoble de 1995 à 2014, est également
un scientifique ! Et pas n’importe lequel. Ingénieur au Commissariat à l’énergie atomique et
fondateur d’une start up de simulation nucléaire, Corys.
Finalement, les héros légendaires sont des scientifiques comme les autres. Offrez-leur des
médailles, des prix, des postes, et des occasions d’exercer leur autonomie de pensée, et observez
leur réaction. André Breton et ses camarades du Comité de lutte anti-nucléaire l’avaient bien dit en
1958 :
« Des noms parés de titres officiels, au bas d’avertissements adressés à des instances
incapables d’égaler l’ampleur du cataclysme, ne sont pas à nos yeux un passe-droit
moral pour ces messieurs, qui continuent en même temps à réclamer des crédits, des
écoles et de la chair fraîche38. »
***
37 Le Monde. 12 novembre 2008
38 Comité de lutte anti-nucléaire, « Démasquez les physiciens, videz les laboratoires », 18/02/1958
16
Ses éclats anti-écologistes n’empêchent pas Claude Lorius de revenir en 2011 en penseur de la
catastrophe, avec Voyage dans l’anthropocène, cette nouvelle ère dont nous sommes les héros39.
« Depuis le XIXe siècle, comme le montrent les courbes comparées des températures
et des gaz à effet de serre analysées dans les glaces des pôles, nous transformons la
Terre tel qu’aucun autre événement cosmique, tellurique ou géologique ne l’a fait de
manière aussi brutale depuis des millions d’années. Nous avons changé d’ère. (…)
Puisque rupture il y a, il faut la nommer pour la voir, pour l’expliquer, pour l’autopsier,
voire pour la conjurer. C’est pourquoi géologues et géophysiciens plaident aujourd’hui
pour une nouvelle dénomination de cette période de l’histoire naturelle du monde :
l’anthropocène. Bienvenue dans l’ère des humains40. »
Rendons grâce aux scientifiques. Sans eux, sans le Groupe intergouvernemental d'experts sur
l'évolution du climat (Giec) créé dans la foulée de la publication de Lorius en 1987, nous serions
ignorants de notre culpabilité collective, que nous ne saurions ni nommer, ni expliquer, ni conjurer.
Tiens au fait, qui se souvient de la création du Giec ?
« Et c'est à` l'initiative de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan que, en 1988, le G7
crée, sous les auspices des Nations unies, le Groupe intergouvernemental d'experts sur
l'évolution du climat (GIEC)41. »
Telle est la technocratie à l’oeuvre. Ne pouvant plus dissimuler les effets matériels, physiques, de
sa course à la puissance, la classe du pouvoir, de l’avoir et du savoir invente la fiction qui en rend
responsable l’humanité entière. Heureusement, Thatcher, Reagan, le G7 et les experts nous
sauveront de nos errances.
Lorius prétend nous livrer la cause du désastre en reprenant le terme d’Anthropocène, forgé au
début des années 80 par le biologiste Eugène Stoermer. Celui-ci le popularise en 2002 dans un
article de Nature corédigé avec Paul Crutzen, prix Nobel de Chimie 1995.
Pardon de rabâcher, mais les nécrologies servent aussi à ça. Stoermer et Crutzen ne font pas
remonter les causes du bouleversement géo-climatique à l’apparition de l’anthropos – à « l’ère des
humains », comme le prétend Lorius - voici trois millions d’années, ni même à l’émergence du
capitalisme. Ils situent le début de cette ère en 1784, année du perfectionnement de la machine à
vapeur42. C’est-à-dire le début de l’usage des énergies fossiles : la révolution thermo-industrielle.
Leur terme englobant d’Anthropocène est abusif et commode pour dissimuler la vraie rupture, celle
du Technocène. La société industrielle, motorisée par les progrès technoscientifiques, a détruit les
équilibres climatiques et écologiques. Point.
Le Giec l’admet tacitement en calculant la hausse des températures « par rapport aux niveaux
préindustriels43 ». Et Crutzen enfonce le clou, considérant qu’« après la phase I de l'ère industrielle,
l'homme est entré de 1945 à 2015 dans la phase II de l'Anthropocène – dite la « Grande
accélération » (Great Acceleration) qui voit l'augmentation accélérée de la concentration en
39 L. Carpentier, C. Lorius, Voyage dans l’anthropocène, cette nouvelle ère dont nous sommes les héros, Actes
sud, 2011
40 Idem
41 Jean Jouzel, La Recherche, 1/04/23
42 Cf. L’Humanité Dimanche du 7/13 janvier 2021
43 Giec, résumé à l’intention des décideurs, sur
https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/SR15_Summary_Volume_french.pdf
17
dioxyde de carbone de l'atmosphère qui "atteint un stade critique car 60 % des services fournis par
les écosystèmes terrestres sont déjà dégradés"44 ».
L’anthropos moyen n’est pas plus responsable en 1945 qu’en 1784. En revanche, 1945 marque le
début de l’ère de la Big Science, et d’une accélération technologique sans précédent. Et un nouveau
seuil sur les courbes des émissions de gaz à effet de serre. Quelle surprise.
Devant l’évidence, les technocrates mentent. Tirer les conséquences des faits serait reconnaître leur
responsabilité, celle de la classe qui maîtrise, possède et développe les moyens de la puissance
destructrice. Et non pas celle de l’humanité en général. Pire, cela impliquerait le renoncement à ce
déchaînement de puissance. Non pas le retour à la bougie honni des progressistes mais, disons, le
retour aux « niveaux préindustriels » du Giec ?
Remonter à la racine des maux signifie regarder en arrière. Les causes, par définition, sont dans le
passé. Lorius le savait bien, qui lisait dans ses carottes de glaces polaires les différentes étapes des
dégâts industriels sur notre biotope. Mais ses conclusions, 30 ans plus tard, étaient celles d’un
aveugle : « Comment encourager la croissance qui est nécessaire, en respectant
l’environnement ?45 »
La croissance de quoi ? Des températures ? Du niveau des mers ? De la sécheresse ? Bref, Lorius
n’avait rien vu dans l’Antarctique. C’était bien la peine d’aller si loin et de brûler tant de kérosène.
Il est trop tard pour les glaciers. Et pour nous, simples anthropoïdes ?
Pièces et main d’oeuvre
Grenopolis, 22 avril 2023
44 https://fr.wikipedia.org/wiki/Anthropocène
45 Lyon Mag, novembre 2007
18
Notes à l’intention des opposants à l’enfouissement des déchets nucléaires en
Meuse/Haute-Marne et aux pseudo-débats de la CNDP-Cigéo
28/08/2013
https://www.piecesetmaindoeuvre.com/necrotechnologies/notes-a-l-intention-des-opposants-a-l-enfouissementdes-
dechets-nucleaires-en
Du 15 mai au 15 décembre 2013, la Commission nationale du débat public (CNDP) organise des pseudodébats
sur l’enfouissement des déchets nucléaires en Meuse/Haute-Marne (projet Cigéo). Cette opération
poursuit le travail d’acceptabilité engagé par la CNDP en 2005 avec une première série de pseudo-débats.
A l’époque, deux réunions, à Cherbourg et Paris, avaient été annulées en raison du boycott de six
associations (Amis de la terre, Agir pour l'environnement, France nature environnement, Réseau action
climat, Greenpeace, WWF).
En 2008, Sortir du Nucléaire constatait : « Lors du Débat public de 2005 organisé par la CNDP sur
l’ensemble de la question des déchets nucléaires, l’option de l’enfouissement avait clairement été
écartée... ce qui n’a pas empêché le pouvoir d’imposer cette option. Il est donc avéré qu’un Débat public
n’apporte absolument aucune garantie. » (cf. hns-info.net)
Comme en 2005, la caravane publicitaire de la CNDP a pour vocation de nous faire accepter des décisions
déjà prises. Il faut être aveugle et sourd pour croire qu’il s’agit de débattre afin de décider collectivement.
A l’attention de ceux qui croiraient encore à ces manipulations, rappelons quelques évidences.
De « débats » en « débats », Cigéo avance
La CNDP a été saisie par le maître d’ouvrage de Cigéo : l’Andra, c’est-à-dire l’autorité chargée de la gestion
des déchets radioactifs en France. C’est elle qui initie l’opération, dont elle fixe l’objectif dans sa lettre de
saisine : « Après le débat public conduit par la CNDP en 2005/2006 sur la politique de gestion des déchets
radioactifs, ce nouveau débat doit permettre à l'Andra de présenter les avancées du projet depuis 2006,
en particulier les aspects liés à la conception industrielle de Cigéo, sa sûreté, sa réversibilité, son
implantation et sa surveillance. »
Est-ce assez clair ? Non seulement il s’agit de communiquer aux cobayes les prochaines expériences menées
sur eux – et non de discuter avec eux - mais en plus, signale l’Andra aux mal-comprenants, le projet avance,
quelle que soit l’opinion de la population, et quels que soient les résultats du précédent « débat » de
2006. Celui-ci n’a donc servi à rien.
L’Andra anticipe la contestation du pseudo-débat
Depuis des années, l’Andra s’est adjoint les services de sociologues de l’innovation et de l’acceptabilité
pour désamorcer la contestation. Son « comité d’expertise et de suivi de la démarche d’information et de
consultation (Coesdic) » l’alimente en rapports et recommandations tirées de l’analyse des « controverses »
scientifiques récentes (ITER, nanotechnologies, OGM). Dans son rapport d’activité 2010, le Coesdic écrit
à propos de Cigéo : « Un argumentaire solide qui explique pourquoi le débat public est nécessaire doit
être élaboré. Une bonne façon de procéder est de partir des critiques auxquelles donne ou pourrait donner
lieu l’organisation du débat à venir (le débat sur le débat fait aussi partie du débat ): « cela ne sert à rien
car tout est décidé », « les gens ne participeront pas et le débat fournira une tribune aux opposants qui vont
le saboter », etc. Dans la préparation de cet argumentaire, l'Andra doit notamment introduire des éléments
d’information sur les autres expériences de débats organisés par la CNDP (EPR, ITER, déchets
radioactifs) ».
Si l’Andra a besoin d’un « argumentaire solide », c’est que l’illégitimité des pseudo-débats éclate
désormais à chaque apparition de la CNDP et des officines d’acceptabilité. La mise en scène de la
« démocratie technique », consistant à réunir des experts et des contre-experts sous les yeux d’un public
considéré comme ignare, à éduquer, ne dupe plus grand-monde. Mais au moins cela donne-t-il du travail
aux sociologues et aux agences de communication.
La sociologie de l’innovation et l’acceptabilité au service du fait accompli
Au sein du « comité d’expertise et de suivi de la démarche d’information et de consultation » de l’Andra
siège Michel Callon « directeur de recherche, professeur de sociologie à l’école des Mines », nous dit le site
de l’agence. Complétons ce CV minimaliste.
19
Callon s’est fait connaître comme théoricien de la « démocratie technique » avec un livre paru en 2001. Agir
dans un Monde Incertain, Essai sur la démocratie technique, co-écrit avec Lascoumes et Barthes, expose
les concepts qui, en quelques années, ont colonisé les institutions scientifiques et politiques. Ce livre enjolive
le risque en « incertitude », les conflits politiques en « controverses socio-techniques », et propose une
nouvelle façon de résoudre ceux-ci par des « forums hybrides » - pseudo espaces ouverts dans lesquels se
réunissent experts, politiques et « profanes » pour mettre en oeuvre une « démocratie dialogique » et trouver
un compromis sur les sciences et les technologies.
Mode d'emploi : n'entrez pas dans la confrontation directe, tâchez d' « organiser, maîtriser les débordements
sans vouloir pour autant les empêcher. » Multipliez les débats publics. Admirez le résultat avec ce cas
concret : « Le nucléaire qui en sortira sera socialement, politiquement et même techniquement
complètement différent du nucléaire qui aurait été décidé en dehors des forums hybrides. Parler "du"
nucléaire en général n'a aucun sens. Jouer au jeu de ceux qui sont pour et de ceux qui sont contre est encore
plus inepte. » Ce miracle qui transforme votre problème-nucléaire en solution-nucléaire s'appelle une
forfaiture.
Il n'y a pas plus de « démocratie technique » que de « science citoyenne » ou de roue carrée : la
démocratie est la participation de tous aux choix politiques, quand la technique est l'affaire des
spécialistes. Ayant vendu les sciences humaines à « l’innovation », Callon et ses semblables ne
recommandent jamais d’introduire le politique dans le technique, ni de rappeler aux scientifiques leur
responsabilité sociale. Leur solution au contraire consiste à imposer la logique technicienne au corps social,
à encourager chacun à faire valoir son expertise. Ce ne sont pas les technologies qui doivent être soumises
à la décision démocratique, mais les individus politiques que l’on contraint à endosser l’éthos technocrate.
La « démocratie technique », c'est la négation du politique. Et un aveu : la technologie étant la poursuite de
la politique par d’autres moyens, seul un simulacre de démocratie peut tenter de maintenir l’illusion d’une
participation de tous aux choix collectifs.
Agir dans un monde incertain est devenu la bible des décideurs. La chimère politique de la « démocratie
technique », bricolée par des experts pour vendre leurs services à une démocratie « en crise », a créé un
fromage pour des chercheurs en sciences sociales, sociologues des « usages » et de l’acceptabilité, et autres
fourgueurs de « procédures de dialogue avec le peuple » clés en main. Cette chimère a contaminé le monde
social et la nuée d’associations citoyennistes prêtes à se jeter sur n’importe quel dispositif leur donnant de
l’importance et des financements. Et qui collaborent sans ciller aux manipulations de la « citoyenneté
technique », de l’« expertise profane », de la « co-construction » de nécrotechnologies « citoyennes ».
Acceptabilité : de leur propre aveu
Magali Bicaïs a passé plusieurs années dans un laboratoire R&D (Recherche et développement) de France
Telecom. Selon elle, « l’acceptabilité sociale est associée aux nouvelles technologies, car elles transforment
nos manières de vivre. On parle d’acceptabilité sociale quand on travaille sur une technologie susceptible
d’avoir des conséquences sur l’organisation sociale elle-même. Avec les techniques d’acceptabilité, on a
franchi un nouveau pas : il s’agit d’anticiper ce qui peut être toléré. La question n’est plus celle des besoins
ni des envies, mais de savoir ce que les consommateurs, ou les citoyens, ne vont pas supporter ». (revue Z,
n°1, printemps 2009)
Les sociologues des usages (chargés de l’acceptabilité des nouvelles technologies) employés par France
Telecom R&D ont eux-mêmes donné leur recette : « Faire participer, c’est faire accepter », disent-ils.
Participer, c'est accepter, par un effet mécanique de connivence et de coopération qui aboutit toujours au
plus petit dénominateur commun.
Vous faire participer aux pseudo-débats de la CNDP, c’est vous faire accepter l’enfouissement des déchets
nucléaires.
En outre, en participant à ces mascarades, vous aidez décideurs et communicants à peaufiner leurs
argumentaires pour mieux étouffer la contestation. Voyez vous-mêmes :
« Un défi majeur pour les porteurs de projet est de pourvoir identifier les opposants pour trouver un
interlocuteur privilégié avec qui négocier. (…) C’est à travers une grille d’analyse des systèmes d’acteurs
que les décideurs peuvent caractériser les opposants et leur mode d’intervention afin de définir une réponse
adaptée à chacune de leurs interrogations, voire de les impliquer dans le projet in fine. » (« De
l’acceptabilité à l’adhésion », projet universitaire réalisé pour la Fabrique de la Cité)
20
L’imposture des « autorités administratives indépendantes »
Premier argument des décideurs qui saisissent la CNDP pour monter une opération de propagande autour
de leur projet : cette instance est « indépendante ». Vraiment ?
Qui sont les commissaires de la CNDP ? Des parlementaires et élus locaux, des membres de hautes
juridictions (Conseil d'État, Cour de cassation, préfectures, tribunaux administratifs, etc.), des représentants
d'associations. Qui les nomme ? Le président de la République, les présidents du Sénat et de l'Assemblée
nationale, le Premier ministre sur proposition du ministre de l'Écologie, etc. Qui finance et héberge la CNDP
? Le ministère de l'Écologie.
Bref, dans "Autorité administrative indépendante", le mot important est administrative. Il s’agit
d’appendices de l'État qui les utilise à sa guise.
La Commission nationale du débat public le reconnaît d’ailleurs, dans son rapport d'activité 2008-09 : « Une
Autorité administrative indépendante est une institution de l'État chargée, en son nom, d'assurer la
régulation de secteurs considérés comme essentiels et pour lesquels le Gouvernement veut éviter
d'intervenir trop directement. » Bref, un pare-feu pour détourner de l’État les oppositions. La CNDP,
comme l'ont prouvé ses précédents « débats » sur les déchets nucléaires ou sur ITER, est de ces leurres
destinés à épuiser la colère des sans-pouvoir dans une pseudo agora, afin que chacun rentre chez soi
vaincu, mais provisoirement soulagé d'avoir vidé son sac.
La commission est si peu libre qu'elle ne peut pas même s'auto-saisir. Saisie par les maîtres d'ouvrage ou
autres autorités (l’Andra dans le cas de Cigéo), elle doit animer le débat public sur la base du dossier fourni
par le maître d'ouvrage du projet concerné. Qui plus est, elle entretient avec lui d’étroites relations, plus ou
moins habilement dissimulées. Voici comment elle décrit celles-ci :
« Durant la phase préparatoire : coopération étroite dans la préparation des dossiers mais le maître
d'ouvrage reste totalement responsable du fond ; le maître d'ouvrage est libre de sa communication mais
tient la CPDP (Commission particulière du débat public) informée de ses initiatives.
Durant le débat proprement dit : la CPDP traite tous les intervenants, y compris le maître d'ouvrage, sur
un pied d'égalité ; le maître d'ouvrage s'abstient de toute communication en-dehors du débat piloté par la
CPDP. »
On appréciera le type d'indépendance qui laisse l’Andra « totalement responsable du fond », c'est-à-dire
maître du dossier avant le débat, pour créer dans la phase publique et médiatique une illusion de distance et
de neutralité. Il ne suffit plus d'être naïfs pour croire à l'imposture de ces dispositifs. Il faut aussi avaler
l'humiliation d'être à ce point manipulés. Qu'il se trouve encore des associatifs, « militants responsables »,
pour jouer le jeu d'une telle hypocrisie, constitue sans doute l'obstacle majeur pour espérer freiner la
catastrophe.
Les débats achevés, à quoi servent les rapports de la CNDP ? « La loi ne confère à la CNDP aucun pouvoir
juridique réglementaire ou de sanction » (rapport d'activité). La Commission du débat public peut
émettre tous les avis qu'elle juge utile, sans que rien n'impose aux autorités de les suivre. Le pouvoir
ne prend même pas la précaution de dissimuler son mépris.
Leur dépendance mise à jour par les les opposants, les responsables de la CNDP se rabattent sur la défense
de leur « neutralité ». Prétendre à la neutralité, tel l'arbitre du match de foot, laisse croire que deux équipes
égales s'affrontent sur le terrain. Comme si la puissance de l'État, de l'industrie et des laboratoires de
recherche - leurs milliards de crédits, leurs personnels, leurs appareils technico-administratifs, policiers et
de communication - pouvait se comparer à l'activité des opposants aux nécrotechnologies, réduite de fait à
la simple expression. Des mots contre un rouleau compresseur à pleine vitesse.
Problème élémentaire : sachant que sur les deux plateaux d'une balance reposent, d'un côté un morceau de
plomb, de l'autre une plume, si l'on ajoute le même poids des deux côtés – un poids neutre par conséquent
– de quel côté penche la balance ?
Dit autrement : rester neutre entre la chèvre et le chou favorise qui ?
La posture neutre dans un rapport de forces inégales favorise mécaniquement le pouvoir face aux sanspouvoir,
le dominant face au dominé.
Déjouer la manipulation : bref retour sur la CNDP Nanotechnologies (2009-10)
Depuis que nous, Pièces et main d’oeuvre, diffusons nos enquêtes critiques sur les nécrotechnologies, nous
avons été sollicités par les organisateurs de pseudo-débats pour participer à leurs mascarades : cycle
21
NanoViv à Grenoble (2006), CNDP sur les nanotechnologies (2009-10). Comme nous l’écrivait le président
de la CNDP-Nanos : « Pour que cette exercice de démocratie participative – certains préféreront dire
d'intelligence collective – réussisse, il est évidemment indispensable que tous ceux qui ont quelque chose
d'important à dire sur le sujet, le disent et le disent dans le cadre du débat. C'est pourquoi nous comptions
sur votre participation active à ce débat. »
Et pour cause : en nous « mouillant » dans leur combine, les animateurs de la démocratie technique auraient
gagné le label « cautionné par les opposants », et étouffé notre critique jusqu'à la rendre inaudible. En
refusant de jouer le jeu, nous avons fait des nanotechnologies un problème politique et non une
controverse technique entre experts. En témoignent les nombreux articles, rapports, études, publiés après
le fiasco de la CNDP-Nanos. Vous souvenez-vous de ce qu’ont défendu France nature environnement, les
Verts ou les Amis de la Terre, tous participants de ces pseudo-débats ? Non ? Ne blâmez pas votre mémoire :
leurs voix se sont perdues, englouties par le dispositif de « démocratie technique ». S’il existe aujourd’hui,
dans le grand public, l’idée d’un « problème avec les nanotechnologies », c’est en partie parce que des
opposants ont refusé de participer à la manipulation d’opinion, et ont exprimé leurs griefs directement, sans
passer par le filtre de la « procédure » officielle. Pour la même raison, nous avons saboté le pseudo « Forum
sur la biologie de synthèse », autre simulacre de débat organisé en avril 2013 à Paris.46
Participer aux pseudo-débats sur l’enfouissement des déchets nucléaires, c’est donner à l’Andra la
seule chose qui lui manque dans son projet ficelé : l’approbation des opposants. Quoi qu’imaginent les
tenants d’une participation citoyenne, le simple fait d’exprimer leur opposition dans le cadre des pseudodébats,
la rend digestible par la machine technocratique. Qui n’en pourra que mieux justifier la poursuite de
ses projets, puisque tout le monde aura pu s’exprimer.
De façon plus générale, le dispositif CNDP est à bout de souffle. Trop de contestation, d’annulations,
d’humiliation (le débat public sans public). Les pouvoirs publics observent l’opération CNDP-Cigéo
avec attention : en cas de nouvel échec, ils enterreront ces procédures lourdes, pour en revenir à des
délibérations parlementaires, notamment à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et
techniques. Au moins les décideurs politiques ne se cacheront plus derrière de pseudo-autorités
indépendantes. L’échec de la CNDP-Cigéo permettrait de clarifier le rapport de forces entre les sanspouvoir
et le pouvoir.
Il n’est évidemment pas question d’en venir à une quelconque forme de démocratie directe, ni de permettre
aux populations de décider par elles-mêmes des choix techno-industriels, quels que soient les effets qu’elles
auront à supporter.
L’autre terme de l’alternative, c’est l’exode sur Internet, qui permet de conjuguer la « modernité » et la
« sérénité des débats » en les dématérialisant, et en supprimant toute présence physique des opposants.
Éventuellement, ce refuge virtuel se pérennisera, se perfectionnera et permettra d’éviter le retour à l’échelon
politique (parlementaire).
Pièces et main d’oeuvre
Grenoble, le 27 août 2013
https://www.piecesetmaindoeuvre.com/necrotechnologies/notes-a-l-intention-des-opposants-a-l-enfouissementdes-
dechets-nucleaires-en
46 Voir Les chimpanzés du futur au pseudo Forum de la biologie synthétique sur www.piecesetmaindoeuvre.com et
le film « La révolte des chimpanzés du futur » sur https://vimeo.com/66593144
22
Communiqué du Cedra, 23 juin 2021
Communiqué Stop Cigéo : Conférence citoyenne en cours, pourquoi nous n'y participons
pas.
Alors que la conférence citoyenne sur la phase-pilote de Cigéo lancée l'Andra est en cours, nos
associations sont contactées à la fois par le Comité de pilotage et par certains des 17 membres tirés
au sort. Il semblerait que notre refus de participer (ainsi que celui des organisations nationales) que
nous avions pourtant explicité ne soit pas compris. Nous souhaitons donc le préciser.
Nous ne participons pas aux pseudo concertations prémâchées par l'Andra qui n'existent que pour
alimenter sa communication.
En l'espèce, ni le cadre ni le périmètre de la conférence citoyenne ne permettent la contestation du
projet Cigéo. L'objectif de nos associations n'est pas d'accompagner la gouvernance du projet vers
plus de transparence mais vise son abandon.
Afin que cette position soit comprise comme un acte politique et pas présentée comme un simple
refus de dialogue, nous avons rédigé cette réponse collective à l'attention des membres de la
conférence citoyenne (voir ci-dessous) et nous la rendons publique.
***************************************************************************
Copie du courrier envoyé
Coordination Stop Cigeo (Collectifs Burestop 55, Cedra 52, Eodra, MNE/Meuse Nature
Environnement)
Mardi 22 juin 2021
aux Membres de la Conférence de citoyens sur la phase industrielle pilote de Cigéo
Mesdames, messieurs
Suite à votre demande d'audition le 2 juillet prochain, exprimée le 16 juin 2021 par l'un de vos
membres auprès du collectif Burestop55, nous souhaitons préciser certains points.
Notre refus de participer à la conférence de citoyens, engagée par l'Andra, sur le projet de phasepilote
Cigéo reste inchangé.
Nous ne participons à aucun processus pseudo-consultatif, dont le périmètre et l'objectif ne
permettent pas de remise en cause profonde du projet Cigéo. Débats publics, concertations locales
autour de l'annexion et de la destruction progressive de notre territoire (notamment des travaux
lourds d'aménagements préalables), études et enquêtes sociologiques déployées depuis plus de 20
ans, programmes COWAM... se succèdent depuis les années 2000 et ne font plus illusion.
Vous trouverez suffisamment d'éléments vous permettant de comprendre notre position sur le projet
Cigéo, et plus particulièrement sur la phase pilote (phase opérationnelle du projet
d'enfouissement), sur nos sites internet et au travers de nos nombreuses publications. Nos
arguments sont étayés, solides, publics et transparents.
Nous comprenons votre désappointement, voyez cependant notre refus de vous rencontrer tel un
acte politiquement assumé, reflet de la fracture sociétale récurrente et à venir autour du projet
Cigéo ; à verser à votre dossier si vous le souhaitez.
Toutes infos sur
www.burestop.eu
https://cedra52.jimdofree.com/
PHASE PILOTE : tester mais quoi ?
CIGEO : COFFRE-FORT GEOLOGIQUE ? DEMYSTIFIER LE MYTHE !
Communiqué Coordination StopCigéo :
« VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE pour 20 apprentis conférenciers citoyens »...
Jean Malaurie et son monde sont morts. Son monde, c’est-à-dire, celui des Inuits de Thulé. Qui l’a tué ? L’engeance scientifreak, dont les transformateurs génétiques qui triomphent aujourd’hui au parlement européen sont des représentants fanatiques – aux côtés des atomistes, des cybernéticiens, des chimistes, des neurotechnologues, etc.
Ce lundi 5 février 2024, Jean Malaurie, anthropologue, explorateur du Grand Nord et défenseur des Inuits, est mort à 101 ans. Il fut le premier Occidental à rallier le pôle Nord, en 1951, « sans le vouloir, sans le savoir, sans radio, presque sans vivres, à l’esquimaude, avec les chiens et les traîneaux ». Malaurie a vécu parmi les Inuits l’effondrement de leur monde, qui est aussi le nôtre. « L’occident va à sa perte s’il continue de considérer que la science est synonyme de sagesse », disait-il lors d’un entretien radiophonique il y a 30 ans.
Le jour de sa mort, un millier de scientifiques européens ont mené sur les réseaux sociaux une opération de lobbying auprès du parlement européen, intitulée « #GiveGenesAChance » (« donnez une chance aux gènes »). Les 6 et 7 février, les députés européens débattaient de l’assouplissement des règles en matière d’OGM. Ils s’agissait d’autoriser les nouvelles techniques génomiques (NGT en jargon techno-globish), parmi lesquelles les « ciseaux génétiques » Crispr-Cas9.
Les jeunes chercheurs qui ont lancé cette opération postaient des photos de leurs équipes devant leurs labos avec des pancartes : « Science is clear, say yes to NGT », « Trust in CRISPR », « I love NGT », « Believe in scientist, believe in NGT », « Trust in science ». Il ne manque que la mélopée du serpent Kaa, « Trust in me [1] » en fond sonore. Ou l’orgue de la messe.
Pourquoi devrions-nous faire confiance à ces scientifiques et croire en leurs nouveaux outils de manipulations génétiques ? « Toute une génération de jeunes chercheurs européens [2] travaillant sur ces méthodes ignorent si leur travail trouvera des applications », se lamentent-ils dans une vidéo de 2021. Notre confiance, leur carrière. Au temps pour les nigauds qui s’imaginent encore que la connaissance désintéressée est le moteur de la conquête scientifique.
Ces jeunes gens veulent, à leur tour, transformer le monde, modifier le vivant et jouir de leur puiscience, sous la bannière vertueuse de l’adaptation à la catastrophe – c’est-à-dire de la soumission à la caste techno-scientiste. Leurs pancartes proclament leur volonté démiurgique de re-création. Nous devrions laisser ces bourreaux d’ADN et leurs « intelligences » artificielles fabriquer des organismes vivants modifiés, voire artificiels (biologie de synthèse), pour fournir l’alimentation, les carburants, les produits chimiques dont « l’industrie post-carbone » a besoin.
Ces scientifreaks sont poussés par de prétendues organisations environnementales réunies dans l’alliance WePlanet, parmi lesquelles Replanet (mobiliser le « génie humain (…) pour une vision positive du futur », avec notamment une lettre à Greenpeace : « Laissez tomber votre opposition à l’énergie nucléaire »), ÖkoProg (« Eco-Progressivism » en Allemagne) ou Eko-modernistit en version finnoise. En fait, des lobbys scientistes qui préconisent toujours plus de technologie pour nous sortir de l’impasse où nous ont conduits les technologies et les technocrates. WePlanet est notamment financée par la Rodel Foundation, un machin de charité américain lui-même soutenu par la fondation Bill & Melinda Gates ; mais aussi par l’Anthropocene Institute, qui relie entrepreneurs, investisseurs et institutions pour développer les innovations contre le changement climatique, en particulier le nucléaire et les nanotechnologies au service de la fusion nucléaire (« solid-state fusion »), avec le projet de « tout électrifier ». Trust in science.
Pour faire pression sur les députés européens, WePlanet a publié une lettre ouverte signée par 37 prix Nobel et 1500 scientifiques (dont Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier, les créatrices des ciseaux génétiques Crispr-Cas9) - en fait un prospectus publicitaire pour les nouvelles techniques génomiques, appelant à « rejeter l’obscurité de la culture de la peur anti-science ».
De son côté, la direction du CNRS mobilisait son personnel par mail :
« Chères directrices, chers directeurs d’unité, Mardi 6 février, un débat autour des nouvelles techniques génomiques s’ouvre au sein du parlement européen de Strasbourg. Le CNRS est en faveur d’un assouplissement de la réglementation des OGM sur les NGT afin d’accélérer la recherche et l’innovation à partir de ces nouvelles techniques. A l’occasion de ce débat, WePlanet a coordonné l’écriture d’une lettre ouverte, notamment signée par Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, Prix Nobel de chimie 2020, et envoyée aux membres du Parlement européen pour les inciter à voter en faveur d’une réglementation assouplie pour les nouvelles techniques génomiques.
WePlanet propose aux scientifiques européens de se prendre en photo devant leurs laboratoires et de publier leur image sur les réseaux sociaux en utilisant le #GiveGenesAChance et #NGTs, le 5 février prochain. Afin de diffuser largement ce message aux institutions politiques et d’augmenter l’impact de cette action, CNRS Biologie prépare en parallèle une campagne de communication sur Twitter. Nous vous invitons donc à également identifier le compte X/Twitter de CNRS Biologie sur votre post. Vous trouverez en pièce jointe des exemples de posts pouvant être utilisés. Nous vous remercions par avance pour votre engagement. »
Dès juillet 2023, le CNRS et cinq organismes de recherche européens (le « G6 ») avaient publié un communiqué pour demander la levée des restrictions sur les OGM, se plaignant du retard de l’Europe dans l’utilisation des nouvelles techniques génomiques.
Ce mercredi 7 février 2024 en fin de journée, les eurodéputés ont obéi, votant la proposition de règlement de la Commission européenne, qui sabote l’encadrement des semences végétales issues des nouvelles techniques génomiques. « Science wins ! », exultent les technocrates.
Jean Malaurie est mort, mais rassurez-vous, grâce aux NGT et aux conquérants de la science, le Groënland va reverdir comme à l’époque de sa découverte par Erik le Rouge, autour de l’an Mil.
A 8h, hier matin, à Marle, l’incendie d’un entrepôt de l’usine Bayer amena sept personnes chimiquement contaminées à rejoindre le centre hospitalier d'Hirson. Leur prise en charge devait être menée de front par les Urgences de l’établissement tout en préservant les personnels et les locaux. Alors que le nuage toxique au-dessus de l’entreprise enclencha un confinement de la population, à Hirson, les agents hospitaliers ont pris en charge les deux premiers malades après leur passage en sas de décontamination.
Les cinq autres furent dirigés sur la tente déployée, sur place, par le SAMU 02. Toujours à l’extérieur, les services techniques de l’hôpital ont bénéficié du renfort des agents municipaux, chargés de filtrer les entrées. Cet exercice grandeur nature s’inscrivait dans le plan blanc de l’établissement pour lequel, de 8h. à 11h30., la totalité des services et des agents ont été mobilisés dans le cadre d’une cellule de crise animée par Anne Seguin, Directrice des soins ; Jean-Claude Natteau, Chef de pôle des Urgences ; Bénédicte Mansuel, Directrice médicale de crise ; Carine Van Der Sypt, Référente hygiène, Sylvie Meyza, représentante de la Direction ; et Aline Blondel, des ressources humaines.
L’organisation ainsi déployée permit de circonscrire les contaminations chimiques. Quant à la décontamination réalisée par les personnels des Urgences, elle empêcha l’aggravation de la situation et, évidemment, assura a prise en charge des victimes. Au final, cet exercice de grande ampleur évalua (positivement) la réactivité des personnels hirsonnais.
STMicroelectronics, les incendiaires et les voleurs d’eau
vendredi 22 juillet 2022 par Pièces et main d’œuvre
Toujours en librairie : Le Règne machinal (la crise sanitaire et au-delà). Voir ici
Qui a mis le feu ? La société thermo-industrielle, en 1784, avec la combustion des énergies fossiles, le perfectionnement des machines à vapeur et autres « pompes à feu ». On pourrait certes remonter au paléolithique et à la domestication du feu, la politique de la terre brûlée ne date pas du Technocène ; mais la responsabilité de la technocratie dirigeante (ingénieurs, entrepreneurs, cadres, scientifiques, etc.) dans l’incendie planétaire est écrasante, démontrée et publiée.
Si les mots ont un sens, chacun de ses membres est aujourd’hui co-responsable d’écocide et de crime contre l’humanité – peut-être involontaire dans nombre de cas. Mais voici un demi-siècle au moins que l’ignorance des malfaiteurs ne peut plus être invoquée ; et leur persistance dans le crime est attestée par leurs dénégations et leur ligne de défense. Amalgamer « transition numérique et écologique », soutenir qu’il faut jeter davantage d’huile sur le feu et accélérer encore cette mutation machinale qui a embrasé le monde pour éteindre l’incendie, c’est insulter de toute sa morgue les victimes de la fournaise. En attendant la traduction des coupables devant le tribunal de l’histoire, ce sont les innocents que la justice immanente frappe indistinctement : forêts, glaciers, animaux et simples Terriens, vivant par choix ou par naissance à l’écart du Cauchemar climatisé (Henry Miller, 1945).
Coupables, les fondateurs, les cadres, les ingénieurs, les opérateurs et les financiers de STMicroelectronics, une des plus importantes sociétés de semi-conducteurs européennes, issue en 1972 du Commissariat à l’énergie atomique de Grenoble. Coupables, les présidents Chirac, Sarkozy, Hollande – et aujourd’hui Macron – qui ont tous visité, célébré, financé, ce monstre techno-industriel qui assèche les eaux de la Cuvette grenobloise pour fabriquer des smartphones et des voitures. Coupables les élus locaux qui soutiennent des mesures dérogatoires afin que STMicro puisse pomper jusqu’aux dernières gouttes l’eau de la Cuvette. Complices les masses de consommateurs stupidement avides d’objets connectés, et les pseudo écolos qui ne voient de remède à la peste climatique que dans le choléra nucléaire. Complices les pseudo radicaux qui refusent de voir dans la technologie le front principal de la guerre entre puissants et subissants. Celui qui commande les autres et où toute percée, toute innovation, dégrade davantage le rapport de forces en faveur des premiers et au détriment des seconds.
En attendant le verdict de l’histoire, voici quelques éléments du réquisitoire à propos de la récente visite de Macron et de la nouvelle pluie de milliards déversée sur la nouvelle fabrique de puces de STMicroelectronics.
(Pour lire le texte, ouvrir le document ci-dessous.)
[Science] La Norvège va construire un sarcophage pour isoler l'épave d'un sous-marin nazi rempli de mercure
C’est une bombe à retardement que cache la mer de Norvège. Un sous-marin allemand de la Seconde Guerre Mondiale, le U-Boat 864, laisse doucement fuiter, à 150 mètres de profondeur, ses 65 tonnes de mercure. Pour y remédier, Oslo va bâtir un sarcophage sur le plancher océanique.
Le sous-marin U-864, coulé en 1945, repose brisé en deux au large de la Norvège et menace de libérer 65 tonnes de mercure. @NorvegianCoastalAdministration
Depuis des années, le gouvernement Norvégien se demande quoi faire de ce risque de ce "Tchernobyl sous-marin" qu’est le U-864, un sous-marin allemand de la seconde guerre mondiale. Celui-ci a été coulé au début de l’année 1945, alors qu’il était envoyé en mission vers le Japon. Il repose, brisé en deux, à environ 150 mètres de profondeur au large de l’île de Fedje.
Les épaves de U-Boat allemand ne sont pas rares dans les mers européennes. Mais le U-864 n’est pas comme les autres. Il abrite environ 65 tonnes de mercure liquide qui devait être acheminées vers l’industrie militaire nippone. Le but était de renforcer le front du Pacifique pour relâcher la pression américaine en Europe. Aujourd’hui, ce métal très toxique risque de se répandre dans l’environnement et de contaminer toute la chaîne alimentaire.
Les experts estiment que la fuite actuelle est de l’ordre de quatre kilogrammes de mercure par an. Ce qui est déjà suffisant pour contaminer les alentours. Mais l’épave reposant sur un plancher pentu et instable pourrait bouger et libérer plus massivement son mortel contenu.
1,5 million de dollars
Aussi, plusieurs associations environnementales ont demandé au gouvernement norvégien de renflouer l’épave. Mais selon une étude menée en 2016, "l’enlèvement des débris et des masses polluées des fonds marins situés à proximité de l’épave étendrait la pollution en dehors de la zone déjà touchée", assure le gouvernement dans un communiqué.
Celui-ci a opté pour un sarcophage au fond de la mer composé de sable et de rochers. Des travaux ont déjà été engagés pour stabiliser le sol marin. "Recouvrir l'épave et le fond marin contaminé est la meilleure solution présentant le risque environnemental le plus faible, car elle permettra de prévenir efficacement la pollution future", assure le ministre des Transports et des Communications, Jon Georg Dale.
"Le plafond couvrira une superficie de 47 000 mètres carrés, y compris l'épave elle-même, les sédiments contaminés et une zone tampon de 17 000 mètres carrés de fonds marins propres", assure Oslo. Celui a bloqué 1,5 million de dollars pour ce projet dans son plan de finance 2019 et entend que ce chantier soit achevé en 2020.
Ce blog en a marre de ramener l' écologie au tri de poubelle, afin de culpabiliser le citoyen ce monsieur propre.
Nous nous allons attaquer l' industrie, les déchets des diverses guerres dans le monde. Guerres toujours activent avec leurs bombes dans les